L'ogresse et les orphelins Kelly Barnhill
Un magnifique roman (selon moi) que tout le monde devrait lire un jour. Surtout quand on commence à douter de notre environnement. Cet écrit reprend une flopée de valeurs réconfortantes là où tout semble coincé. Un doudou !
L'aube sera grandiose Anne-Laure Bondoux
Un vendredi soir, tandis que Nine s’apprête à se rendre au bal du lycée, sa mère Titania décide subitement de l’emmener vers une destination qui lui est inconnue.
Elles arrivent en pleine nuit dans une surprenante cabane au bord d’un lac.
Titania va alors dévoiler à Nine les raisons de leur présence. Ce récit, qui les maintiendra éveillées jusqu’au lendemain matin, va les plonger dans le passé. Nine va alors découvrir toute la vérité sur sa famille.
J’ai beaucoup aimé ce roman, bien écrit et bien mené. Le mystère du récit nous donne envie de lire, de chapitre en chapitre, pour connaître tous les secrets de famille de Titania.
Des thèmes clefs y sont abordés, tels que les relations de confiance, les liens mère-enfant, les ressources et refuges que l’on peut se trouver au cours d’une vie, l’importance de la parole et de la vérité, les apparences auxquelles il ne faut pas se fier, la richesse du handicap. Le combat d’une femme pour s’épanouir et se protéger.
Les marins ne savent pas nager Dominique Scali
C’est la première fois que je lis un récit du type « marin » », et même si on reste sur Terre la majeure partie du livre, c’était une sacrée aventure !
Dans « Les marins ne savent pas nager », on est téléporté sur « Is », une île fictionnelle que l’on comprend être au large de la Bretagne, mais qui s’inscrit tout de même dans un contexte historique (celui du 16ème/ 17ème siècle à peu près). « Is » est une île qui a su résister aux invasions étrangères et rester indépendante culturellement, politiquement et même religieusement. – Est-ce la force de caractère de ses habitants, rompus à la misère la plus sordide, ou ses côtes escarpées et hyper dangereuses d’accès, aussi acérées que l’esprit des habitants des lieux ? Même la langue, le « parler » des habitants est différent, bien que toujours compréhensif : les mots, expressions et tournures utilisées sonnent « rocailleux », un peu « ancien français » et participent à l’immersion du lecteur.
Bien qu’ils clament tous haut et fort leur identité « issoise », les habitants de cette île sont divisés. Divisés entre ceux qui vivent sur les hauteurs, protégés des Murailles, et ceux qui (sur)vivent sur les rives en bas : ces derniers sont forcés de piller les embarcations qui viennent s’y échouer malgré l’interdiction stricte de la Loi, et surtout, ils sont soumis annuellement aux caprices des Grandes Marées d’équinoxe, les forçant à se réfugier dans les Criardes – des espèces de Grottes perchées à flanc de falaise – et à prier pour que la marée ne les atteigne pas (le nom « Criardes » vient justement des hurlements que l’on entend lorsque les habitants se retrouvent immergés à l’intérieur !). Pour assurer la cohésion sociale de ce système, les issois ont inventé le principe de la « Grande rotation » : tous les ans, certains riverains sont appelés à devenir citadins, et ils sont sélectionnés selon des critères – un peu brumeux il faut bien le dire – de mérite et de distinction… Ces privilégiés peuvent avoir un invité, et ce privilège ne se transmet pas.
Dans ce monde où plus personne n’apprend à nager, on suit Danaé Poussin, une issoise pas comme les autres puisqu’elle se distingue par sa faculté de savoir nager et par son courage à toute épreuve. Ses talents de nageuse lui permettront en effet de sauver des noyés ou alors de piller les trésors cachés au fond des embarcations immergées. Sa vie tumultueuse la ballottera, depuis les rives foulées par les bandes d’orphelins, les pillards discrets et les miséreux, de femme de pirates à invitée d’un élu d’une des Saintes Rotations, jusqu’à finir sa vie aux côtés d’un pilote – un de ceux chargés de sauver les noyés et leurs bateaux – acte en apparence honorable mais qui, en fait, provoque la haine sourde des riverains puisqu’il les empêche d’accéder à leur seul moyen de subsistance : le pillage des embarcations échouées…
Ce qui m’a le plus marquée dans ce roman, c’est la réflexion que cette île fictive ancrée dans des temps anciens permet d’amener sur les mouvements sociaux, la révolution, et nos rapports à l’ascension sociale et surtout sur nos rapports à la mort. Une lecture surprenante que je ne suis pas prête d’oublier !
Le tumulte Selim Nassib
Récit de la guerre du Liban (1975/1990), vécue de l’intérieur par un juif, né à Beyrouth en temps de paix. Devenu journaliste, vivant à Paris, il couvre les évènements pour un journal français.
Bien plus qu’un tumulte, l’auteur raconte ce conflit multiconfessionnel, multiracial, soutenu par l’Occident, qui mènera aux exactions sanglantes de Sabra et Chatila et donne un éclairage sur ce chaos inextricable qu’est devenu le Proche-Orient.
L’écriture soutenue, très imagée, très sonore également, restitue les combats mais aussi les idéologies développées, exacerbées jusqu’au fanatisme opposant les uns aux autres, ayant tous pourtant grandi ensemble dans une harmonie familiale et chaleureuse.
L’on me disait du Liban, dans les années 60/70 qu’il était le Paradis sur terre…
Histoires de moines et de robots. Tome 1, Un psaume pour les recyclés sauvages Becky Chambers
Un concentré de positif dans un monde SF post-apocalyptique, c’est original, non ? Ce n’est pas un livre « feel good » comme on l’entend classiquement : ici l’humain est conscient de ses penchants à la destruction et il a décidé d’agir en conséquence, en ayant le moins d’impact possible, et en laissant par exemple la moitié du monde aux autres espèces d’êtres vivants… (ce qui n’est pas encore suffisant, mais qui pour l’homme est déjà une énorme concession !). Nous sommes dans un monde où les robots ont travaillé pendant des années dans des usines pour les humains, jusqu’à ce qu’un jour ils accèdent à la conscience et décident de partir vivre dans les forêts, auprès de la nature, là où plus aucun humain ne va.
Nous suivons Froeur Dex. « Iel » est un.e moine en quête de bonheur et de sens qui décide d’abord de quitter sa communauté : iel s’y sentait bien, mais n’y trouvait pas de véritable plénitude ; alors iel part ; et c’est aussi simple que ça, cette décision est bien accueillie par tout le monde, d’ailleurs iel est toujours bien entouré.e. Il faut dire la bienveillance qui émane de ce monde n’a pas cessé de me surprendre tout au long du livre ! Mais même après que iel se soit spécialisé.e dans la concoction de tisanes et thés, qu’iel proposait à celleux venus trouver un peu d’apaisement et d’écoute, iel s’aperçoit que c’est encore autre chose qu’iel cherche… Et si c’était les forêts qui pouvaient lui apporter la réponse ? S’engage alors un périple à bord de son vélo-maison – sorte d’habitat-compact ambulant depuis lequel iel proposait ses thés apaisants – jusqu’à la rencontre avec Omphale, un robot recyclé, missionné par les siens pour savoir comment vont les humains depuis leur repli dans les forêts, et afin de trouver la réponse à la question : « De quoi les gens ont-ils besoin ? »
Certains seront peut-être décontenancés par l’emploi de l’écriture inclusive pour le personnage non-genré de Froeur Dex, mais personnellement, j’ai trouvé l’écriture très fluide, le récit est court et va à l’essentiel, bref, pour moi, il est impossible de s’ennuyer. On savoure les aphorismes et la philosophie de ce monde futuriste bienveillant comme une tisane réconfortante. C’est la première fois que je lis un truc comme ça, et purée, ça fait du bien !