Club « Des livres et des mots » spécial « Prix littéraires » et « Policiers »

Prix Goncourt des lycéens 2018

Frère d'âme David Diop

Seuil

Durant la Grande Guerre, deux tirailleurs sénégalais, Alfa Ndiaye et Mademba Dop, amis, « plus que frères », âgés de 20 ans, jaillissent d’une tranchée, essuient des tirs allemands.
Mademba est affreusement touché à l’abdomen et supplie son ami de l’achever. Alfa Ndiaye ne peut s’y résoudre et le laisse mourir dans d’atroces souffrances. Puis il ramène le cadavre de son « plus que frère » dans la tranchée.
Là, sa raison bascule. Il devient fou. Il commet alors des actes de sauvagerie… : « Dans le monde d’avant, je n’aurais pas osé, mais dans le monde d’aujourd’hui, par la vérité de Dieu, je me suis permis l’impensable ». Il se reproche son manque d’humanité envers son ami, il sera donc « inhumain par choix ».
« Frère d’âme » est aussi un livre sur la nostalgie du pays perdu et sur l’amitié, écrit dans une langue chantante, rythmée par des invocations (« par la vérité de Dieu »), des métaphores, des allégories.
J’ai trouvé ce livre poignant. Il ne se lit pas d’une seule traite, mais il est profond, il incite à la réflexion et il est riche d’enseignements sur ce qu’ont pu ressentir les Poilus, les Marocains, les Tirailleurs sénégalais engagés dans cette grande guerre meurtrière…

Marie-Madeleine
Prix Goncourt 2018

Leurs enfants après eux Nicolas Mathieu

Actes Sud

« Il en est dont il n’y a plus de souvenirs,
Ils ont péri comme s’ils n’avaient jamais vécu,
Ils sont devenus comme s’ils n’étaient jamais nés,
Et de même, leurs enfants après eux »

L’action débute en 1992 dans une vallée perdue reculée dans l’Est de la France. Une petite ville dont la seule activité était les Hauts-Fourneaux désormais éteints et les ateliers, fermés à tout jamais. Or cette activité était quasiment la seule à fournir du travail aux habitants, de père en fils. Et commence la désespérance ! C’est le drame de toute une jeunesse qui doit trouver sa place dans un monde qui s’éteint. C’est aussi le récit d’une adolescence qui se cherche, travaillée par une sexualité naissante, exacerbée et qui a du mal à trouver sa voie entre petits boulots, beuveries au café « L’usine », Pôle emploi, la drogue et le mondial de foot. Ils pourront difficilement échapper à leur destin, qui ressemblera à celui de leurs parents : vivoter chichement entre achats à crédit, découverts en banque, usés par le travail, l’alcool et leurs filles et femmes fanées à 20 ans !
Et au bout du compte, la désespérance, la nostalgie et la rage !

Thérèse
Prix Renaudot 2018

Le sillon Valérie Manteau

Le Tripode

Critique de Geneviève :

Le livre s’ouvre sur Istanbul en 2015, où la narratrice est accueillie par son amie Sara. Elle va tout au long du livre déambuler dans la ville : mêler les informations, les faits, ses sentiments et ses sensations, d’une écriture vive, scandée qui rend le récit très vivant.
Le sujet récurrent reste la recherche d’informations sur un Harnt Dink, un journaliste turc d’origine arménien très connu et qui a été assassiné pour ses idées. Son journal Agos en turc veut dire « sillon ». Elle rapproche beaucoup cet évènement des attentats de Charly Hebdo dont la narratrice a été un temps journaliste. Elle nous fait aussi vivre en direct le coup d’état turc et le chaos qui en résulte.
Mais, cette juxtaposition de rencontres, d’opinions politiques, de faits divers et d’impressions rend le récit haché et erratique, et ce n’est qu’au milieu de ce récit sans suite logique, décousu, et par défaut, que l’on comprend qu’elle rejoignait son amant, et que le couple se distend pour finir de se séparer.

J’ai eu beaucoup de mal à lire ce livre car je voulais en comprendre le sens. Ce n’est qu’en se laissant porter par le fouillis de faits divers, de sensations diverses et de réflexions un tantinet nostalgiques sur la vie à Istanbul et sur ses habitants, qu’on se laisse pénétrer par ce climat oriental si romantique, cette atmosphère si particulière.
C’est peut-être ce côté « foutraque », spontané, et protéiforme qui a plu aux jurés qui lui ont discerné le prix Renaudot 2018.

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Critique de Michelle :

Le roman se déroule en Turquie pays qu’elle connaît bien pour y avoir été à plusieurs reprises.

Elle travaille à Charlie Hebdo et après les attentats elle quitte la France avec beaucoup de regret et de colère pour Istanbul où elle y compte un amant, des amis gauchistes… Elle aime cette ville et son peuple et elle est révoltée par le climat de terreur, de haine et de suspicion que le président Erdogan a instauré.

Elle s’installe sur la rive asiatique du Bosphore et choisit d’enquêter et d’écrire sur Hrant Dink, journaliste d’origine arménienne turc assassiné en 2007 par un nationaliste turc de 17 ans d’une balle dans le dos, mais également sur d’autres figures menacées telle celle d’Asli Erdogan écrivain et militante des droits de l’homme emprisonnée en 2016, pour rétablir leurs mémoires.

Le roman est une déambulation mélancolique dans les rues d’Istanbul. Entre autofiction, documentaire et réalité, mais toute cette errance devient vite fatigante, je me perds dans le roman comme elle se perd dans les rues et dans sa vie, elle voit s’éteindre sa passion amoureuse et nage à contre courant de ses amis qui ne comprennent pas son obstination.

Je n’ai pas aimé ce style brouillon, pas assez construit, pas assez abouti.

Roman policier

Code 93 Olivier Norek

Michel Lafon

Ce roman est tiré du projet d’annexer à la capitale les départements du 92, 93 et 94. Qui est mieux placé qu’Olivier Norek, lieutenant de la PJ de la Seine Saint Denis le 93, pour écrire ce thriller ?
Cette fusion permettrait des investissements énormes, mais dans ce projet, le 93 fait tâche car le taux des homicides y est trois fois supérieur à la moyenne nationale, plaque tournante de la drogue, de la prostitution, des règlements de comptes et des émeutes. Pour tenter de minimiser le problème, l’état va essayer de faire diminuer artificiellement le nombre d’homicides.
L’auteur nous explique les fonctionnements de certains rouages au sein de la police, on a de nombreuses informations concernant les procédures, les difficultés rencontrées dans le métier sont dénoncées.
On est à a fois basculé entre l’atmosphère pesante de la banlieue et celle de la haute société.
Victor Coste est son équipe est plutôt amusante, avec Ronan le motard taquin et dragueur, Sam le geek et Johanna. C’est un policier que j’ai lu avec beaucoup de plaisir. On sent des années de carrière dans cette écriture.

Michelle G.