La carte postale Anne Berest
Prix Renaudot des Lycéens 2021
Ce n’est ni un roman, puisque tout y est vrai, jusqu’à la fameuse carte postale, ni un suspense même si l’enquête est passionnante, ni une chronique même si elle nous fait croiser des noms célèbres (René Char poète et grand résistant, Francis Picabia peintre et l’arrière grand père de l’auteure, Gabrielle Buffet épouse et muse de ce dernier.
Ce n’est pas non plus une histoire personnelle s’inscrivant dans la sombre histoire collective de ces années de collaboration, de délation, de complicités honteuses d’une partie de la France et des Français à l’un des plus grands crimes contre l’humanité qui ait existé.
Un livre écrit avec sobriété et neutralité, sans effet de style, qui cherche et trouve sa réponse dans un patient et sobre travail d’investigation. Et qui par conséquent peut aussi bouleverser, toucher, même si ce n’est pas son but premier. On se retrouve happé par l ‘enquête, récit sensible et vivant courant sur cinq générations.
Ne t'arrête pas de courir Mathieu Paulain
Prix Interallié 2021
Nous ne sommes pas dans une fiction : TOUMANY COULIBALY est issu d’une famille d’origine malienne, avec 18 frères et sœurs, il grandit en banlieue sud de Paris. Il se découvre du génie pour la course, il devient sportif de haut niveau (surtout pour le 400 mètres), il deviendra champion de France, mais gâche son talent en réalisant sans cesse des vols et des braquages. Il est de tous les coups foireux qui vont l’envoyer en prison pour plusieurs années et briser ses rêves de jeux olympiques.
Mathieu PAULAIN, journaliste, intéressé par tout ce qui se passe dans le milieu sportif (ayant lui-même rêvé de devenir footballeur) décide de rencontrer TOUMALY pour connaître son histoire. Ce dernier purge une peine de prison à BREAU après avoir été à FRESNES.
Il demande un parloir qui est accepté et rencontre tous les mercredis TOUMALY qui lui confie avec des mots touchants, qui semblent sincères, ses regrets d’avoir gâche sa vie, et son envie de s’en sortir pour sa femme et ses enfants. Il évoque la dureté du milieu carcéral et le combat qu’il mène pour y survivre dignement, gardant l’espoir, en s’entraînant journellement à courir dans la cour de la prison, qu’en sortant il pourra reprendre la compétition.
Le livre met en avant les difficultés des athlètes qui ne gagnent rien pour leurs exploits, 650 euros par mois, alors qu’ils doivent avancer tous les frais de leur poche (péage, essence, hôtel …). Indéniablement, quelque chose ne tourne pas rond dans ce système.
Le début est un peu déroutant (la rencontre au parloir puis la vie de TOUMANY COULIBALY qui défile courses, entraînements et braquages se succédant de façon assez monotone). L’écriture est descriptive, mais on finit par être captivé par l’histoire de cet athlète qui garde la certitude de s’en sortir, notamment grâce à l’amitié entre les deux jeunes hommes et à la recherche de la véritable identité de TOUMALY (un menteur ou un mec bien ?).
Un récit captivant et qui se lit facilement.
Le voyage dans l'Est Christine Angot
Prix Médicis 2021
La confusion de la pensée, des émotions, des sentiments… l’inceste est une arme de destruction massive qui agit lentement, continuellement… Dans ce roman, l’auteur démontre avec fragilité toute l’ampleur des processus psychiques à l’œuvre.
Elle nous entraîne tour à tour dans la surprise, le doute, la honte, le dégoût, la dépersonnalisation, la dépression, l’anorexie, le sexe, la recherche identitaire….
Vingt-deux ans après l’Inceste dont l’accueil fut difficile – peut-être la société n’était pas prête à lire et entendre ce que Christine Angot avait à dire – la voilà qui revient sur la relation avec son père qui a dévasté son enfance, saccagé sa vie amoureuse, ravagé sa vie tout court.
C’est un livre qui relate les ravages de l’inceste, qu’on lit d’une traite : poignant, difficile à lire, dont on garde longtemps la trace en mémoire.
Premier sang Amélie Nothomb
Prix Renaudot 2021
L’auteure retrace la vie de son père Patrick, en imaginant sans doute nombres de situations, on y adhère ou pas !
La première partie du livre est consacrée à son enfance. Suite au décès de son père tué pendant la guerre, il est élevé par ses grands parents maternels, sa mère dépressive est totalement absente de son éducation.
Sa grand mère le dorlote énormément, son grand père pour l’endurcir décide que Patrick ira passer toutes ses vacances scolaires auprès de ses grands parents maternels.
Les Nothomb, aristocrates complètement désargentés vivent dans un château délabré avec une ribambelle d’enfants. Les parents laissent tout ce petit monde vivre comme des sauvageons en manque de nourriture, l’attention n’étant donné qu’à l’aîné qui règne en tyran sur ses frères et sœurs.
Patrick est conquit par cette fratrie, ce mode de vie va le sortir de son cocon, errance dans les bois, baignade dans l’étang, dormir au grenier dans le froid, se débrouiller même voir se batailler pour se nourrir, car on crève de faim chez les Nothomb, bout de pain et compote de rhubarbe étant jours de fêtes.
J’ai peu apprécié la deuxième partie du livre qui nous nous raconte la vie de Patrick jeune homme : son histoire d’amour, ses débuts de diplomate dans l’ex Congo belge… Lors de l’épisode de la prise d’otages de Stanleyville en 1964 au cours de laquelle les rebelles congolais ont retenu durant trois mois près de 1600 otages, Patrick est chargé de négocier avec les rebelles dont il est également l’otage.